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La pire erreur de Marx est d’avoir écrit que « ...

dimanche 20 février 2022, par Smoky

La pire erreur de Marx est d’avoir écrit que « la démocratie est la suprastructure du capitalisme ». Cela a non seulement permis la justification des régimes totalitaires « socialistes » mais en plus a permis aux néolibéraux de dire que le capitalisme apportait la démocratie. Du reste, elle est dans l’incapacité d’expliquer la Chine capitaliste moderne.

Historiquement, le capitalisme a mis en tension les sociétés traditionnelles jusqu’à l’éclatement et on a vu émerger des « démocraties représentatives », ce qui est un oxymore. En réalité, si en Occident, suite aux balbutiements du capitalisme, la classe dirigeante invente cet oxymore, c’est pour mieux juguler les velléités démocratiques de son propre peuple car la démocratie ne peut que contester le monopole décisionnel sur la force publique (armée, police), autrement dit, l’État, tel qu’il est défini depuis la civilisation sumérienne.

Prenons pour exemple la Révolution française :

La déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, en France, instaure l’État par l’article 12 : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée »... Et cela au nom de la propriété et la sûreté du citoyen citées à l’article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».

La dite déclaration instaure ainsi la propriété privée, sans le dire, car une propriété d’usage n’a pas besoin du concours de l’État et la sûreté peut être assurée collectivement. La propriété privée nécessite l’État car la force publique est systématiquement nécessaire pour son respect tandis que la propriété d’usage n’a besoin que d’une convention avec le reste de la collectivité et les litiges peuvent être gérés collectivement. La propriété d’usage ne permet la possession d’une terre que si on la cultive tandis que la propriété privée est abusive. Vous pouvez ne pas cultiver cette terre même en période de famine, vous possédez toujours cette terre, la force publique vous assurant cette possession.

La déclaration de 1789 est en fait un compromis entre l’ancienne noblesse et la classe dirigeante moderne : la Bourgeoisie. Quant à la constitutionnalité, l’artisan principal sera Sieyès dont l’objectif est d’évincer le bas peuple du pouvoir. Il choisira clairement l’élection contre le tirage au sort. Or tous les lettrés savent depuis Montesquieu que si le tirage au sort est démocratique, l’élection est aristocratique, en ce sens qu’elle favorise les notables, les personnes les plus connues.

On voit ici que la démocratie représentative est une des suprastructures du capitalisme car celui-ci s’accommode très bien des dictatures fascistes (cf : le XXe siècle) quand la démocratie représentative ne suffit plus. Quant aux totalitarismes « socialistes », ce ne sont que des capitalismes monopolistes d’État [1]. Ils n’ont de socialiste que le nom à moins de confondre nationalisation/étatisation et socialisation des moyens de production. Le capitalisme préfère la démocratie représentative car « l’acceptation » par la population coûte moins chère que la coercition sur cette même population, les gardiens devant être payés.

La réelle invention de l’Occident moderne est le capitalisme, la démocratie représentative n’est qu’une conséquence. La démocratie représentative n’est pas une invention moderne, le comté de Toulouse au Moyen âge est déjà une démocratie bourgeoise tout comme la république des doges de Venise. Il en va autrement de la démocratie plus ou moins directe. Partout dans le monde et en tous temps, on retrouve des traces de ce type de démocratie. Ce n’est pas l’occidental qui a planté l ‘arbre à palabres dans certains villages africains, au pied duquel on règle les affaires du village. Ce n’est pas non plus l’occidental qui soit à l’initiative du grand conseil des tribus amérindiennes. De même, toutes les populations ont des velléités démocratiques. L’idée démocratique est « universelle et intemporelle » de fait [2].

La démocratie représentative permet la sauvegarde de l’État et de la classe dirigeante face aux velléités démocratiques de la population. Le mouvement des gilets jaunes, en France 2018-2019, est assez représentatif de ce phénomène ; en refusant toute représentation en son sein et de son seing, il était obligé de se commettre à l’exercice de la démocratie directe. On voit ici que la démocratie directe est plus qu’un objectif, c’est aussi une part intégrante du processus car seule la démocratie directe a la légitimité culturelle de contester le monopole décisionnel de la force publique, autrement dit l’État. Elle est consubstantielle à la lutte des classes.

L’erreur de Marx, en confondant démocratie et démocratie représentative , dénature la lutte des classes et a permis son assujettissement par et au profit des partis socialistes autoritaires durant un siècle. Quant à la récupération de cette erreur par les néolibéraux, elle devient de moins en moins crédible du fait des poussées d’autoritarisme du capitalisme. Du reste, la démocratie est plutôt le résultat de la lutte des classes, la démocratie représentative étant la réponse de la Bourgeoisie aux velléités de démocratie directe du prolétariat. Le but de la bourgeoisie est de préserver l’État dans ses fonctions régaliennes (armée, police), elle s’accommode très bien de la dictature si nécessaire. l’État étant nécessaire à la propriété privée, celle-ci étant nécessaire au capitalisme, la dictature coûtant cher, la démocratie représentative est un bon compromis pour la Bourgeoisie.

Certes, la démocratie, y compris directe, reste désavantageuse pour les minorités mais elle est, sous forme directe, la base de l’auto-organisation. Elle n’est réellement désavantageuse que si on passe directement au vote sans débats. D’autre part, cette critique d’origine anarchiste individualiste peut vite devenir une post-vérité où l’opinion de l’individu vaudrait « vérité universelle », ce qui méprise tout autant la majorité exprimée que les minorités lésées. Ce n’est pas la démocratie qui est pourrie mais la représentation. Autrement dit, avec la démocratie représentative, le ver est dans le fruit dès sa conception.

Quant à la révolution, elle sert trop souvent à évincer cette question. L’utilisation de la révolution permanente, notamment par les trotskystes, comme rhétorique dévaluant la question démocratique et préparant ainsi de fait le terrain pour une dictature de parti. Soyons objectifs, Lénine et Trotsky ont parfaitement su manœuvrer les anarchistes russes durant la révolution russe de 1917. Et Quand ceux-ci ont finalement résisté, ils ont eu recours aux conseils (soviet en russe) avec d’autres forces politiques or les conseils sont une forme de démocratie directe [3].


[1Lire de Maximmilen Rubel : Marx critique du marxisme

[2Lire Amartya Sen : La démocratie des autres

[3Lire Léon Trotsky : Nos tâches, écrit avant qu’il ne vire au léninisme où les conseils sont à l’honneur pour éviter l’avant-gardisme, ce texte reste occulté par certaines organisations Trotskystes

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